La Legal Team Rouen au tribunal (Partie 3)

Nous sommes de la Legal Team Rouen. Nous avons assisté à quelques procès pour vérifier ou invalider nos hypothèses sur la défense juridique.

Nous avons vu comment la comparution immédiate présentait un inculpé en position de faiblesse physique, affective et stratégique, et pourquoi il valait mieux la refuser et demander un délai pour préparer sa défense. Ce refus est un droit, on peut donc vous l’accorder pleinement – auquel cas tout va bien, vous quittez le tribunal libre et y reviendrez, prêt, un autre jour – ou avec, par mesure de sécurité, une incarcération préventive.
Si les faits qui vous sont reprochés sont considérés comme graves ou susceptibles d’être récidivés, ou encore si le procureur pense que vous pouvez tout à fait disparaître dans la nature avant votre jugement, il peut demander votre incarcération en attendant le jugement. Le meilleur moyen de contrer cela, c’est de fournir via un proche des documents qui attestent de votre stabilité. Tout ce qui prouve que vous avez un logement, un boulot, une formation, un diplôme, un projet, une passion, un poste de bénévole dans une asso ou un club de sport, des proches qui vous aident si besoin, des enfants que vous élevez ou souhaitez élever, bref tout ce qui peut les laisser penser que vous n’êtes ni dangereux, ni sur le point de partir en cavale. Ces éléments, ce sont les garanties de réprésentation.

Nous avons vu deux affaires où la comparution immédiate était refusée.
La première, une catastrophe. Après avoir refusé d’être jugé à sa sortie de garde-à-vue, l’inculpé avait été incarcéré. Il comparaissait entre deux policiers, pour menaces et harcèlement envers son ex-femme. Il n’avait pas préparé de défense, pas contacté son avocat, il y avait des parties civiles. La terrible impuissance d’assister à un saut dans la gueule du loup. Même quand on est juge ou procureur, ça doit faire mal au cœur : « Qu’est-ce qu’il s’est passé, Monsieur ? Pourquoi vous n’avez pas d’avocat ? Vous avez essayé de le contacter ? »
« Vous avez fourni des papiers ? Des contrats de travail, des quittances de loyer  »
« Vous les voyez vos enfants, Monsieur  »
Non. Pour tout. Après chaque réponse, un silence. Le juge énonce ici la liste des choses simples qu’il attend, un petit réflexe de survie, le minimum de ce que c’est que se défendre. L’inculpé ne montrera rien de tout ça. C’est celui qui refuse le plus de se plier au fonctionnement de la justice, quitte à perdre. C’est comme s’il obligeait le juge à dévoiler que la justice est une machine à broyer, un laminoir, un rouleau compresseur : une fois qu’elle nous a attrapé le doigt, elle continue son travail. Jugez-moi, finissez-moi. Il ne doit pas aimer ça, le juge.
Ce qu’on voit en négatif, c’est la ligne à adopter pour s’extraire au maximum de la machine. Remplir un dossier de « preuves d’insertion », réclamer l’aide d’un avocat, s’expliquer.

La deuxième affaire : peu d’espoir mais de la stratégie.
Un jeune homme, sortant de garde-à-vue, un casier judiciaire plus vierge depuis longtemps. A première vue, pas tant de chances que ça de son côté. Il est assisté de l’avocate de permanence qui annonce le refus de comparaître et demande un délai. La Cour doit alors examiner, plus que les faits, les circonstances dans lesquelles va se dérouler l’attente jusqu’au procès. Le procureur demande une incarcération au vu des infractions répétées et des possibles mauvaises fréquentations de l’inculpé. L’avocate fait valoir le fait que son client ne s’est jamais soustrait à ses jugments précédents et qu’il est soutenu par sa famille, présente dans la salle. C’est même sa mère qui a pris contact avec son avocat lors de sa garde-à-vue. Plus, évidemment, quelques papiers, peut-être un contrat de travail.
Résultat, il ressort libre du tribunal avec une convocation à une date ultérieure.

Donc, profitez de cet après-midi, de demain, de ce week-end, pour faire des photocopies. Tous vos documents importants, quittances de loyers, bulletins de paie, diplômes, livret de famille, attestation de scolarité, diplôme de poney-club, vous les mettez dans une petite pochette accessible dans votre chambre. Le mieux est même de prévenir un bon pote de l’endroit où elle est. Elle pourrait vous sauver à l’avenir.

Publiez !

Comment publier sur A l’ouest - Site coopératif d’informations locales et d’ailleurs, sur Rouen et alentours?

A l’ouest - Site coopératif d’informations locales et d’ailleurs, sur Rouen et alentours n’est pas qu'un collectif de rédaction, c’est un outil qui permet la publication d’articles que vous proposez. Quelques infos rapides pour comprendre comment être publié !
Si vous rencontrez le moindre problème, n’hésitez pas à nous le faire savoir
via le mail alouest@riseup.net