Vieux-Manoir en lutte !

Rentrée de septembre, rentrée de la lutte. Un client de La Conjuration des Fourneaux, habitué, interpelle un des serveurs pour la première fois, à la recherche de personnes pouvant le conseiller sur la manière de construire une lutte écologique de territoire sur le long terme. Puisque la lecture de nos vacances, pour beaucoup d’entre nous, a été Contrées, histoires croisées de la zad de Notre-Dame-des-Landes et de la lutte No TAV dans le Val Susa, on lui a proposé de lire le livre et d’y puiser ce qu’on y a puisé nous-mêmes !
Puis il est revenu, à plusieurs reprises, pour en parler directement avec nous.
Voilà son histoire : Vieux-Manoir, petite commune d’environ 700 habitants, située à une vingtaine de kilomètres de Rouen, a la chance d’abriter la coopérative Cap Seine, dont la description sur le site officiel de la commune est la suivante : « le premier groupe coopératif agricole et agro-alimentaire haut-normand, issu en 2000 de la fusion entre la CAHN (coopérative agricole de Haute Normandie) et l’UCASEN, dont l’activité s’étend outre la Haute-Normandie, sur l’ouest de la Picardie et L’île de France. La coopérative est au service de 3700 agriculteurs adhérents pour leur permettre d’accéder dans les meilleures conditions à tous les produits et conseils nécessaires à leurs productions, qu’elles soient végétales (céréales, oléoprotéagineux, légumes) ou animales et les aider à commercialiser ces produits. ».
Les vertus de Cap Seine ne s’arrêtent pas là : « Le groupe Cap Seine s’est récemment diversifié dans la transformation de légumes cuits sous vapeur, sous une marque bien connue : Lunor et dans les pommes de terre fraîches sous marque Doréoc. L’entreprise coopérative est également présente dans les jardineries au travers de ses 26 enseignes Gamm vert (Boos, Neufchâtel, Ferrières en Bray…). »
Bref, du solide et du bien développé.
Et la commune de Vieux-Manoir en est très fière : « Si Vieux-Manoir est l’une des 150 implantations de Cap Seine, ce site n’en est pas moins stratégique : il est situé au coeur du territoire du groupe et a plusieurs vocations. »
Et le site de continuer à vanter les mérites de Cap Seine. Quand une commune s’intéresse autant à la gloire d’une entreprise sur son territoire, on peut supposer que cette entreprise et les finances de la commune sont liées.
Or, c’est justement les agissements de cette entreprise que les habitants de Vieux-Manoir en colère pointent dans leur tract.
Ce comité de lutte est né de discussions entre plusieurs voisins : un premier remarque sur le bâti qui doit servir de stockage qu’une enquête publique était en cours, et cherche, puisqu’aucune information n’est donnée par la mairie, ce qui peut être l’objet de cette enquête. Ils sont alors huit habitants à lancer une pétition en ligne, et à se renseigner sur les recours administratifs. En effet, ce qu’envisage CAP Seine, avec l’appui de la mairie de Vieux-Manoir, c’est donc d’implanter une plate-forme de stockage accueillant 4150 tonnes de produits chimiques.
Nous avons cherché, de notre côté, à quel point ces produits chimiques s’avéraient dangereux. Une chimiste que nous avons interrogé a confirmé que sur l’échelle de dangerosité, ces produits étaient au maximum.
L’idée de ce comité n’est pas de dégager la plateforme pour qu’elle aille se faire ailleurs, mais de tenter un refus collectif qui pourrait se reproduire dans les autres communes alors concernées.
Le chef de Cap Seine a alors cherché à rencontrer ce comité, pour en discuter. Ils ont refusé, préférant organiser une réunion publique qui confronterait l’entreprise aux habitants de Vieux Manoir réunis en assemblée.
Le samedi 1er octobre, le commissaire enquêteur proposait des heures de permanence à la mairie pour répondre aux préoccupations des habitants. Le comité de lutte a alors préféré venir en nombre, tous au même horaire, afin d’obliger à une confrontation publique. Suite à ce rassemblement, Paris Normandie publie un article à ce sujet avec photographie à l’appui montrant les habitants en force devant leur mairie.
Les habitants dénoncent également l’hypocrisie de la mairie et de Cap Seine qui justifient leur projet par la mise aux normes de toutes les installations. Or, cette mise aux normes s’accompagne d’un classement du site en SEVESO.
Pour l’instant, en attendant la possibilité des recours administratifs, le comité se concentre sur la pétition en ligne qui a déjà recueilli plusieurs centaines de signatures. L’enquête publique se termine, elle, le 18 octobre. Si un accord était trouvé et que les travaux commençaient, le comité envisage alors de mobiliser plus largement en appelant publiquement à des blocages de chantier et divers rassemblements.

Nous n’en sommes plus à la découverte des nombreux projets qui participent à rendre notre monde un peu moins habitable.
Cette lutte nous touche donc, comme toutes celles qui permettent de construire des espaces où la vie qu’on veut mener est encore possible.

P.S : Nous sommes allés à la réunion publique du lundi 10 octobre 2016 dans la salle des fêtes de Vieux-Manoir. Alors que le village compte quelques 700 habitants, 150 personnes étaient présentes. Une bonne cinquantaine de personnes n’avaient pu entrer quand nous sommes arrivés, il a fallu un peu forcer la main à ces messieurs qui organisaient la soirée, mais finalement, une porte latérale s’est ouverte et nous avons pu entrer. La société Odièvre était venue pour présenter son projet et répondre aux questions des habitants. Une communication travaillée mais pas si bien huilée au vue des contradictions dans les chiffres, dans les affirmations, dans les projets... L’assemblée était remontée, vindicative et pertinente dans ses objections. La lutte semble prendre une tournure active et massive (compte-tenu de l’échelle du coin...)

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