Nous retranscrivons ici sous forme d’article la discussion #2 du cycle de discussions “S’opposer au régime. Quelles expériences ? Quelles perspectives ?” (https://rouendanslarue.noblogs.org/files/2016/11/cycle-de-discussion.pdf) qui a eu lieu du 26 novembre au 15 décembre dernier. Celle-ci traitait du régime thermidorien et des luttes populaires pendant cette période et ce qui suit est une intervention de Deborah Cohen. Nous n’avons pu restituer le débat qui en a suivit mais nous nous enforcerons, au terme de ce cycle, d’en produire une systhèse.
La raison pour laquelle je voulais vous parler du régime thermidorien et de la période du Directoire, c’est que j’ai l’impression que ça correspond à la situation que l’on vit en ce moment. Donc l’idée c’est de faire des parallèles et de voir à quoi ça peut nous servir, voir les points communs qui peuvent nous inspirer.
I. Fin du robespierrisme, début du Directoire.
C’est quoi un régime thermidorien ? Au sens strict, Thermidor c’est la période qui s’ouvre après la fin de ce qu’on considère être le cœur chaud de la révolution, le 9 thermidor an II, c’est à dire le 17 juillet 1794. Ça vient juste après la période robespierriste, après la période du comité de salut public. Ce 9 thermidor les membres du comité et de la commune de Paris sont arrêtés et sont mis à mort. Ça clôt une période de sorte de dictature, appelée la terreur. C’est une période de répression des oppositions contre-révolutionnaires mais aussi des oppositions plébéiennes qui essayent d’inventer des formes d’autonomie politique à partir de la base. Elles sont réprimées avec toute la justification que l’on peut connaître en période de guerre : il faut une centralité, une cohérence nationale etc.
Au moment de la terreur, beaucoup de « révolutionnaires » initiaux défendent cette dictature. C’est en fait l’une des périodes qui a été le plus favorable au peuple. Il y a la constitution de 1793 qui n’a jamais été appliquée mais qui est une constitution démocratique, et il y a toute une série de mesures comme par exemple « le maximum des prix » qui permet à toute le monde d’accéder à la subsistance. Ces mesures sont prises sous la pression populaire, c’était pas forcément l’idée des gouvernants à ce moment-là. Cette période s’arrête donc avec la répression du 9 thermidor. A ce moment là, il n’y a personne pour défendre ce régime. Les sans-culottes ont été réprimés par ce même régime et donc ne sortent pas pour le défendre. Mais, malgré les coups qu’ils ont pris, le peuple parisien prend conscience de sa propre force dans cette période-là. C’est un élément important pour la période suivante. Il va rester une mémoire des luttes, et des luttes victorieuses. Ça pose la question de savoir comment est ce qu’un peuple se sent, qu’est ce qu’on peut faire ou pas faire en fonction de ça. Je ne sais pas comment on se sent aujourd’hui mais je n’ai pas l’impression que l’on se sente très forts. D’autant moins forts car l’on a des mouvements puissants qui ont été écrasé.
Thermidor c’est un régime réactionnaire au sens où ils veulent effacer ce qu’il y a eu avant et veulent créer une sorte de consensus de ce qu’ils appellent « les honnêtes gens », ceux qui veulent finir la révolution. On arrête de donner toute cette place à ces gens qui n’avaient rien à faire en politique. Des personnes qui avaient été mis de côté pendant l’an II sortent de prison et reprennent leur place. Il y a tout un cycle de vengeances, des vengeances individuelles des anciens leaders de l’an II sur des gens qui ont pris des fonctions publiques, le tout soutenu par le gouvernement. Le gouvernement de thermidor, de manière légale ou para légale, liquide le régime précédent. Il y a ce travail contre des personnes mais aussi un travail symbolique pour effacer ce qui a été fait et ça passe par des choses très concrètes. Par exemple il y avait des traces de brèches aux tuileries, car le 10 août on avait pris les tuileries, moment important qui fait chuter le roi. Le thermidor va reboucher les brèches et effacer l’événement. C’est le peuple qui avait fait l’histoire le 10 août. Il s’agit de renvoyer dans le néant politique la puissance populaire. Il s’agit de réécrire l’histoire. Aujourd’hui il y a pas mal de marques de la volonté d’en finir avec l’histoire des possibilités de révoltes. C’est important pour nous d’être attentifs à ça et de le contrer. Fillon tient à redorer le discours nationale, le reprendre en main, ça ressemble aux thermidoriens : réécrire l’histoire et gommer les luttes.
Thermidor c’est un moment de crise économique hyper aigu. C’est un moment de disette et de cherté des denrées. Il y a beaucoup de récits où des gens s’évanouissent dans la rue, les mères de famille pleurent. Et c’est un moment de montée en flèche des suicides. Les gens, aux XVIIIe sont en quelque sorte habitués à la pauvreté, mais comme aujourd’hui, il y a un écart énorme entre les riches et les pauvres, une croissance terrible dans les inégalités. Des tas de gens ont profité pendant la guerre et pendant la révolution. Par exemple, il y a deux circuits d’approvisionnement pour le pain. Un circuit qui est contrôlé, où il n’y a presque rien et les denrées chères, et un circuit libre, une sorte de marché noir. On a des scènes de colère dans ce marché. Il y a une colère face aux profiteurs qu’on a appelé la « jeunesse dorée », des muscadins qui ont échappé à la réquisition pendant la guerre et qui ont fait fortune. Ils se promènent dans Paris, musqués, et insultent à l’effort patriotique et à côté de ça il y a ceux qui ont participé à l’effort.
Face à ces inégalités, ce qui est dur en thermidor, c’est que le peuple n’est pas très solidaire. Il y a trop eu de divergences et de heurts au sein de la population, c’est un moment où l’on est pas unis et il y a beaucoup de dénonciations. C’est un moment où l’on trouve beaucoup de traces d’insultes entre les gens. Ceux qui essayent d’unir la population se font facilement refoulés. On a des traces des moments où les femmes vont chercher du pain (c’est souvent les femmes à ce moment-là qui s’occupent de ça) et certaines d’entre elles essayent d’unir toutes les femmes qui sont là, en disant que c’est une misère ce que l’on nous donne, qu’il faut refuser ensemble. Mais elles n’y arrivent pas et elles se retrouvent seules. C’est ce qui fait le désespoir des gens. Chacun joue sa partie. Comment dans cet état des choses des gens ont décidé de combattre le régime ? Comment ont-ils réussi à organiser une réponse collective ?
II.Combattre le régime
1.Émeutes de germinal prairial
Il y a un premier moment d’insurrection lorsque la loi dite de grande police est votée, le 21 mars 1795. Elle est écrite par Sieyès. C’est une loi qui édicte la peine de mort contre les manifestants qui menaceraient la convention nationale, qui insulteraient les députés ou proféreraient des cris séditieux. C’est une sorte d’état d’urgence. En plus ils distribuent des fusils aux « bons citoyens ». C’est notre état d’urgence un cran au-dessus. C’est dans la foulée de cette loi liberticide que les sans-culottes vont reprendre une partie du contrôle, comme si là c’était trop. Il y a deux émeutes que l’on appelle les émeutes de germinal prairial. L’une c’est le 12 germinal an III, au printemps, et l’autre c’est le premier prairial, donc le 20 mai suivant. Ier avril 1795 et 20 mai 1795. C’est des mouvements pas du tout organisés, il n’y pas de centres d’impulsion ni de leaders. Il y a plein d’endroits d’où ça part : c’est à la fois dans les faubourgs, dans les rues de Paris et à la Convention. Les gens se suivent instinctivement jusqu’à la Convention. Il y a eu des discours mais rien de vraiment organisé. Les gens qui ont fait circuler des discours, notamment Brutus Magnet, disent que la Convention nationale ne nous représente plus et qu’il faut leur faire sentir que la vraie souveraineté c’est le peuple, et que eux, les gens de la Convention, ils vont reconnaître que ce ne sont que de simples représentants et qu’une fois que le peuple est là ils vont se retirer. Les gens qui ont en quelque sorte « appelé » à l’insurrection se disent que cette force du peuple, cette souveraineté va pouvoir être reconnu, et ils arrivent avec cette croyance. Ils arrivent et ne sont pas forcément préparé à la violence. Ils viennent réaffirmer la souveraineté du peuple et faire cesser la délégation de souveraineté avec cette défiance vis à vis des députés. C’est un peu similaire à la situation dans laquelle on se trouve. Au printemps il y avait le sentiment que l’on avait une classe politique qui ne nous représentait plus, et qu’il fallait faire entendre la voix du vrai souverain, le peuple qui était en train de débattre ailleurs qu’à l’assemblée. Sauf qu’en germinal et en prairial ils sont allés jusqu’à la convention, jusqu’à l’assemblée nationale. Ils l’envahissent, des hommes des femmes des enfants. Ils demandent du pain et la constitution de 1793. Ils demandent un retour à ce qu’on a fait en l’an II. Ils ne le demandent pas tellement parce que c’est leur idéal politique, parce justement, quand ce régime est tombé, ils ne l’ont pas défendu, ils ne se disent pas que c’est l’idéal et que c’est ça qu’il nous faut. C’est juste que dans la situation où ils sont à ce moment-là, c’est ce qu’il leur paraît mieux. Cette constitution de 1793 n’a jamais été appliqué, elle est vierge de tâches, elle reste comme quelque chose qui est à inventer. Ils demandent de la mettre en œuvre. Mais ils ne vont pas se faire entendre. Au cours de la première émeute, ils se font chasser, et la deuxième fois, c’est plus violent, c’est plus confus. Dans l’assemblée un député a la tête tranché. Et ça va rester dans l’imaginaire. Le régime va l’utiliser pour insister sur la « bestialité » du peuple. Mais en l’an II, la guillotine coupe des têtes. Donc d’un un sens ce geste peut être lu comme la reprise en main de la souveraineté par le peuple. Après les gens n’ont pas particulièrement défendu cet acte. La personne qui a fait ça, une fois arrêtée le reconnaît en disant que « malheureusement » c’était lui. Ce « malheureusement » est difficile à interpréter, peut-être espérait-il que ce soit quelqu’un d’autre, ou bien espérait-il ne pas avoir besoin d’avoir recours à une telle violence. Dans l’assemblée il y avait la volonté de porter une parole mais le peuple n’a pas réussi à se faire entendre.
Partout à tous moments il vont retenir la violence. En dehors de l’assemblée, un moment la garde nationale marche sur la foule, celle-ci se disperse. Un général revient et est entouré par la foule, il tombe de son cheval et le peuple ne lui fait rien. Il repart et n’en revient pas, il pensait que sa dernière heure était venue. Le lendemain, le moment de l’énorme répression, on envoie les troupes dans les faubourgs, et il y a des moments où les faubouriens encerclent les militaires. Ils disposent de canons, mais ils ne leur font rien. L’émeute, la violence, c’est pas du tout un désir. Ce qui est souhaité, c’est l’instauration d’un dialogue avec les représentants pour réinstaurer la souveraineté populaire. Mais ça ne marche pas. L’émeute ne pousse jamais son avantage et ne reste rien d’autre qu’un gros cri de colère. Et aussi avant l’émeute, ils avaient fait parvenir des tonnes de pétitions, qui n’avaient pas marché non plus.
Les conséquences de ces émeutes c’est une énorme répression opérée par des commissions militaires. Encore une fois on sort de l’état de droit ordinaire et il y a une dizaine de condamnations à mort. Presque 40. Des peines de prison, des déportations, le désarmement des sans-culottes. La différence avec aujourd’hui c’est que tout le monde a des armes. On interdit aussi les rassemblements de plus de cinq femmes. Elles sont vraiment perçue comme objets de danger. Les différentes sections de Paris, les différents quartiers organisés politiquement, ceux qui vont être le plus touchés par la répression c’est ceux où les sans-culottes et les militants sont minoritaires. Dans ces sections-là ils sont dénoncés par des habitants. Dans les sections où ils sont forts et nombreux, ils arrivent à tenir. Quand ils sont bien homogènes ils arrivent à faire bloc face à la police. A partir de ventôse (l’automne), toutes les réunions populaires vont être interdites. Le peuple est complètement assommé. C’est après ces émeutes que les suicides sont les plus nombreux. Ils prennent un sens collectif et politique. Ils ont un caractère public. C’est une sorte de malaise dans la population qui n’arrive pas à trouver un exutoire politique. D’ailleurs il n’y aura plus de grandes révoltes populaires jusque dans les années 1830.
1.1 La Conjuration des Égaux
Au fond les révolutionnaires sont dans un état que l’on pourrait qualifier de dépressif. Ils n’arrivent pas à se projeter dans l’avenir. Et les militants démocrates vont essayer dans les années suivantes de redonner confiance au peuple dans sa force. Quelques figures comme Buonarroti sentent qu’il manque une sorte de principe moteur pour réenclencher l’histoire.
Les thermidoriens rédigent une nouvelle constitution car on s’est débarrassé de la demande de constitution de 1793. C’est une constitution républicaine, c’est elle qui fonde le directoire. Elle date d’août 1795. C’est un suffrage à deux degrés. Déjà tout le monde n’est pas citoyen. Ceux qui sont citoyens élisent des grands électeurs, c’est eux qui votent. Il y en a 30 000 pour toute la France. Ni les pauvres ni les femmes ne sont citoyennes. Ils avaient prévu que quelques années plus tard, pour être citoyen, il aurait fallu savoir lire et écrire.
Ce régime républicain a tout un arsenal de mesures d’exception possibles. On peut faire des visites domiciliaires, on peut suspendre la liberté de la presse, on peut détenir des individus sans contrôles judiciaires pendant deux jours si ils sont soupçonnés de conspirer contre la république. Les commission militaires utilisés contre les émeutes restent en place. Dans cette constitution il n’y a rien qui ne sépare le pouvoir civile du pouvoir militaire. Face à cette situation, il y a des gens qui tentent et continuent de se réunir, et en novembre 1795, à l’automne après les émeutes, on fonde un club qui s’appelle club du Panthéon ou connu aussi sous le nom de réunion des amis de la république. A ce moment-là, ça ne veut pas dire la même chose qu’aujourd’hui que d’être ami de la république. Dans cette situation là c’est toujours provocateur. Leur référence c’est la constitution de 1793 bien qu’ils aient connu la répression de la terreur de l’an II. Ce ne sont pas des robespierristes. Ce n’est pas un mouvement de masse, ce sont quelques milliers de personnes.
Ils ont deux stratégies. Il y a celle de Babeuf. Il veut redonner au peuple le sentiment de sa puissance. Il y a cette sorte d’engourdissement car ils se sont pris un gros coup sur la tête et surtout il y a tout un discours de thermidor et du directoire qui dit maintenant c’est fini, la révolution c’est fini, il y a un consensus et la paix. Lui il veut reconquérir la supériorité de puissance du peuple. Il veut rappeler que le régime qui est en place il n’y a pas que celui-ci qui est possible. Il dit ce régime dans lequel on est c’est la suite d’un processus et qu’il y a plein de raisons qui nous ont mené là. Il y a eu un avant et il y aura un après. Il souhaite maintenir le désir de faire autre chose : « Il ne faut pas oublier le lendemain le chaînon que l’on a voulu vous forger la veille ».
Contre cet oubli il ravive sans cesse la mémoire, la mémoire de ce que le peuple a été capable, et qu’il en est encore capable. On peut sortir de ce présent éternel que veulent nous imposer les thermidoriens et directoriens. Aujourd’hui aussi on essaye de nous faire croire que c’est la fin de l’Histoire, qu’il n’y a pas d’alternatives. Donc lui il veut rappeler au peuple sa puissance face à ce régime qui justement la dénie : « Je vais vous remettre sous les yeux l’esquisse des choses sublimes que vous avez faites. Elles vous appartiennent. Je les ferai sortir d’un criminel oubli. » Il dit toujours qu’il faut regarder en arrière pour sortir du présent, pas pour se faire des cours d’histoire : le passé comme figure du possible. Pour réveiller cette puissance du peuple, Babeuf choisit un angle qui est celui de la figure du tribun, le tribun du peuple (son journal). C’est une figure antique, c’était une institution chargée de défendre le peuple. Ce n’est pas une figure du complot, ni une figure de l’ombre.
Buonarroti, qui a lutté avec lui, a écrit après la mort de Babeuf sur la conjuration des égaux. Il dit que celle-ci combattait avec la force de la vérité : « Loin de travailler dans l’ombre comme les conspirateurs criminels, le directoire secret n’attendait le succès de son entreprise que le progrès de la raison publique et de l’éclat de la vérité. Ce n’était pas à l’aide d’une poignée de factieux ameutés par l’appât du gain ou par un fanatisme insensé que le directoire secret prétendait renverser le gouvernement usurpateur, il ne voulait employer d’autres mobiles que la force de la vérité. Une exposition franche et entière des droits du peuple et des crimes de ses oppresseurs étaient le seul moyen par lequel il entendait soulever contre la tyrannie la masse des parisiens. » Babeuf essaye de redonner au peuple l’idée de sa force, il dit qu’au moment où le peuple sera prêt, on donnera le signal de l’insurrection. Mais le peuple est complètement assommé, la plupart des leaders, ou en tous cas la plupart des gens qui s’étaient bougés, sont emprisonnés et les autres dissuadés. De plus, les idées que Babeuf développent dans son journal, c’est assez nouveau et ça ne marche pas trop. Il y a toute cette idée d’une communauté des biens, et jamais on a parlé de ça avant. Le modèle que les gens ont en tête c’est plutôt un modèle d’égalité entre petites propriétés, mais l’idée de mise en commun, que tout le monde apporte au magasin commun tout ce qu’il produit, ça ne marche pas trop.
A côté de Babeuf il y a ceux qui se disent démocrates et qui se reconnaissent plutôt en la figure d’Antonnelle, qui à cette époque est aussi connu que Babeuf. Il a un journal qui s’appelle le journal des hommes libres. Son programme c’est la défense de la constitution de 1793 et ça marche mieux. Mais on ne sait pas trop ce que c’est la constitution de 1793 puisqu’elle n’a jamais été appliquée, du coup on peut s’y projeter un peu comme on veut. Plus près de lui il y a des gens comme Drouet (celui qui a reconnu et fait arrêté Louis XVI lorsqu’il passait par Varenne. Il vivait dans son trou et a été projeté dans l’aventure révolutionnaire après cet événement), Lepelletier, et d’autres. Babeuf et Antonnelle luttent pied à pied pour définir ce que serait la bonne politique. La question c’est de savoir ce que c’est l’égalité. Antonnelle va parler plutôt d’égalité civile alors que Babeuf va parler plutôt d’égalité économique et de supprimer la propriété particulière. Antonnelle se dit que pour en sortir, il va falloir faire une alliance avec d’autres gens, y compris avec des gens qui sont proches du gouvernement. Babeuf dit non, jamais. Ils débattent dans leurs journaux sans s’attaquer directement, mais Babeuf va montrer que Antonnelle ne va jamais au bout de son système. S’il est pour l’égalité civile il est obligé d’aller jusqu’à l’égalité réelle et donc de ne faire aucun compromis avec des membres du directoire.
Ils avaient un projet d’insurrection malgré tout, mais ils n’étaient pas d’accord sur le moment où il fallait le faire. Finalement cette histoire se finit mal car le mouvement est inflitré par un certain Grisel. Tout le monde n’est pas arrêté car ils avaient relativement bien protégé leur conjuration mais Babeuf lors du procès, maintient l’idée que ce qu’il faut faire, c’est prévenir le peuple et être dans la transparence. Il faut porter un discours révolutionnaire et montrer que l’on est fort. Mais il veut tellement montrer qu’il est fort qu’il dévoile tout le réseau, il dévoile toutes ses idées et ne se défend pas du tout au procès. Il dit qu’ils étaient sur le point de les renverser, de leur faire la peau etc. Mais c’est finalement à lui que l’on fait la peau : il est mis à mort en février 1797. Antonnelle va utiliser une autre méthode et il se fera appeler l’hermite. Il ne veut rien dire, ne pas vendre la mèche, il protège l’avenir et la possibilité d’intervenir encore. Il dit au procès que c’est le directoire qui monte toute cette affaire, qui invente l’existence d’une conjuration alors qu’ils étaient seulement quelques personnes à discuter. Le peuple est endormi et les conditions ne sont pas réunies. Antonnelle est acquitté. Ce n’est pas un lâche, c’est un choix politique. A court terme il va maintenir une opposition de gauche dans les institutions politiques du directoire. Les démocrates font des progrès dans la capitale. Il y a des élections en avril 1798, ces démocrates vont gagner les élections. Le directoire fait un coup d’État le 22 floréal an VI (mai 1798). Ils n’acceptent pas le résultat des élections, ils passent outre et l’ensemble des gens qui se réunissaient dans un club qui s’appelait le club du manèges, le club des démocrates, est interdit et ils passent dans la clandestinité. Au bout du compte ils n’ont pas forcément plus réussi que Babeuf.
Qu’est qu’il reste ? Ces deux tactiques ont toutes deux contribué à maintenir une force populaire vivante. Autour de Babeuf, il y a tout un mythe qui s’est créé autour de sa personne, notamment porté par Bunarroti. Il va irriguer tout le socialisme du XIXe même s’il s’est fait liquidé rapidement par le directoire. Cette attitude suicidaire a maintenu quelque chose de fort à long terme dans l’histoire. Puis l’attitude d’Antonnelle a permis à court terme de maintenir des petites choses, que les gens de cette génération là ne perdent pas totalement le courage. C’est un peu les deux options du socialisme du XIXe siècle : l’option réformiste qui joue le jeu des institutions ou l’option révolutionnaire.
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