Définitivement la plus belle avenue du monde...

Retour absolument non exhaustif, sur les événements du samedi 1er décembre à Paris sur la place de l’Étoile et alentours.

Ceux qui étaient présents dans les rues de Paris hier ont vécu un moment d’une rare intensité tant dans les affrontements, qu’en terme d’émotion : de mémoire, il n’y a aucune manifestation en Europe sur ces 30 dernières années qui tienne la comparaison. Il faut peut-être remonter 50 ans en arrière, au moment de mai 1968, pour retrouver une situation comparable dans les rues de la capitale. Hier la police a clairement perdu la bataille, perdu le contrôle. Les gilets jaunes ont triomphé.

Nous sommes arrivés place de l’étoile vers 13h30, la même place où, quatre mois auparavant, des milliers de personnes fêtaient la victoire de l’équipe de France. Cette fois, des milliers de gilets jaunes étaient bien présents, impossible de faire un décompte des personnes, la foule s’étalait dans les rues adjacentes et perpendiculaires à celles qui desservent la place de l’étoile. Jamais, d’ailleurs, on n’aurait pu imaginer une telle émeute, deux week-ends de suite, dans un endroit qui abrite les ambassades du monde entier, quartier dans lequel les marques de luxe se battent pour être présentes et lieu de la bourgeoisie parisienne depuis plusieurs siècles maintenant.

Premier fait notable, l’énorme dispositif policier déployé : canon à eau, escadrons par centaine, surtout empêcher d’aller vers l’Elysée et de prendre les champs.
A notre arrivée, l’arc avait déjà été tagué : « augmentation du RSA », « justice pour Adama », « les gilet jaunes triompheront » et plein d’autres.

Et à ce moment-là, la préfecture de police prend une décision étonnante : envoyer une unité d’une vingtaine d’hommes pour protéger la tombe du soldat inconnu alors que personne ne s’était préoccupé de ce symbole. Volonté peut-être du gouvernement de faire une image de policiers protégeant une image symbolique.

Bien évidemment, mettre un escadron au centre d’une place entourée de milliers de gilets jaunes n’était pas la meilleure idée : la suite logique de cette situation a été l’attaque de ce petit escadron, sacrifié par l’Etat, jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus tenir leurs position et rentrent dans les rangs situés autour de la place de l’étoile. Scène incroyable, mais ce n’était que le début.

Dans la foulée, des manifestants montent dans l’arc de triomphe, pillent le magasin de souvenirs de merde pour les touristes, montent sur le toit et brandissent des gilets jaunes accompagnés de drapeaux français. C’est le moment où la police a complètement perdu la place jusqu’au soir : il est 15h.

Impossible de tout raconter, mais on ne peut pas faire l’impasse sur la présence de trop nombreux groupes d’extrême droite organisés, attaquant à 100 contre 40 un groupe d’antifascistes, dans la confusion générale d’une émeute généralisée.

Dans toutes les rues : barricades, affrontements. Une petite unité de police est délaissée par le gros des troupes, partis en trombe dans un autre endroit de Paris où d’autres manifestations avaient lieu en même temps – à Saint-Lazare, à la mairie de Paris – manifestations sauvages un peu partout. Cette petite unité délaissée est attaquée, prise d’assaut, par une foule galvanisée que ni le gaz ni les nombreuses grenades ne peut plus stopper. Les CRS se retirent de la rue, abandonnent leurs véhicules qui sont pillés : gilet par balle, bouclier, matraques, récupérés par la foule. Même scène sur la place où nous voyons, chose rare, que la peur a changé de camp. Ceux qui sont à leurs balcons dans les rues alentours sont blêmes, ferment leurs volets. Quand leurs voitures de luxe sont incendiées, pas un mot pour dissuader les manifestants.

A ce moment, la police a perdu le contrôle du quartier. C’est une insurrection, il n’y a pas d’autre mot. La police met toute sa puissance pour essayer de rependre des positions de force : grenade, asphyxie des rues par des lacrymogènes, canon à eau, cavalerie. Mais ils n’y parviennent pas, tant la foule fait face au dispositif mais se déploie aussi dans son dos et ce avec détermination.

Dans les rues commence un pillage joyeux. On rentre dans les bars abandonnés, des gilets jaunes se mettent derrière le comptoir : commence alors une autogestion des lieux, pendant quelques heures on pouvait commander ce qu’on voulait, une bouteille de vin, un coca, de l’eau... on s’y abritait du gaz.
Il est maintenant 17h, un incendie d’une barricade commence à prendre sur un café puis à gagner l’immeuble. Les émeutiers aident alors les gens à sortir de leur immeuble, essaient d’éteindre l’énorme incendie : instant de panique, il y a tellement de barricades dressées qu’on ne voit pas comment les pompiers vont réussir à arriver. Finalement, après un effort collectif, la foule arrive à déblayer les barricades et permet aux pompiers d’éteindre le feu.

La manifestation ne s’arrête pas pour autant, les barricades sont de nouveau dressées, l’alcool est sorti des cafés et on distribue du Ricard, du vin, du Champagne. La foule s’enivre, repart en manif sauvage survoltée.

Il est 18h30, on décide de quitter la foule pour rentrer à Rouen. Des images et des souvenirs plein la tête, la tête qui tourne à cause du gaz, de ne plus savoir quoi penser, d’avoir croisé tellement de gens différents : un marin pêcheur monté tout seul à Paris, des jeunes du collectif « Justice pour Adama », un mec de la croix rouge suisse, qui ne parlait pas français et qui aidait les très nombreux blessés.
Quelques images au moment du départ : un groupe de jeunes se baladant avec un clark dans une rue en dehors de tout dispositif policier, et nous, trinquant avec une très bonne bouteille de vin blanc en attendant l’acte 4.

A samedi prochain.

Sur ta patrie on frappera, mes soldats en batterie
Stratégiquement sur la SNCF quand, dans mes rangs
La haine s’élève pour effacer le sourire sur ses lèvres
On frappera et on fera pas de prisonniers
Que les volontaires viennent se désigner !
Y’aura plus de secours, plus de ligne de téléphone
Sur les postes de police, poste et télécoms
On frappera surtout sur la capitale
Sur toutes ses fonctions vitales et on fera pas dans le détail
Et on dansera sur les ruines de ces belles vitrines
Et, à notre passage, tu pourras compter les victimes
Barricades, barrages partout sur Paris
Partout sur la ville que de la barbarie
Reçu 5 sur 5, on tient le siège d’ici au palais de justice
Et, pour ces briseurs de rêves, y’aura pas d’armistice

La rumeur

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