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Après avoir été niée pendant des semaines [1], la dangerosité du covid-19 a donné lieu à un arsenal de mesures destiné à enrayer la propagation de la maladie. Bien loin de concerner le seul champ médical, ces mesures impliquent des transformations profondes du fonctionnement des institutions étatiques, et notamment judiciaires. Depuis la publication de la loi du 23 mars 2020 qui prévoit les conditions de l’état d’urgence sanitaire (EUS) [2] et son instauration le même jour [3], et plus encore depuis qu’une ordonnance a précisé les « adaptations » de la justice pénale à la crise sanitaire [4], des voix se sont élevées pour dénoncer ce qui est appréhendé comme une dérive de l’État de droit. On peut se réjouir de constater une réaction plus franche après quelques jours de sidération collective. Mais on peut aussi, à l’inverse de l’idée de dérive, analyser l’état d’urgence comme un moment de quintessence de la justice d’État, c’est-à-dire un moment où elle apparaît dans sa forme condensée, dans sa forme la plus explicite, celle qui ne s’embarrasse plus d’aucun atour démocratique pour s’affirmer nue.
Du « quoi qu’il en coûte » martelé lors du discours présidentiel du 16 mars, il serait naïf de retenir la promesse de largesses budgétaires sans contreparties. Il fallait plutôt comprendre que, quoi qu’il en coûte, l’État imposera son ordre économique et social, même s’il faut en passer par une suspension des droits les plus fondamentaux, par une terrible régression sociale, par une paupérisation massive. L’état d’urgence n’est pas le confinement, loin de là. Il ne durera pas ce que le confinement durera, loin de là. L’état d’urgence sanitaire n’implique pas qu’une modification de nos quotidiens pour la protection de notre santé collective. Il implique aussi l’instauration d’un État autoritaire pour la sauvegarde de l’ordre social en perspective de l’offensive capitaliste annoncée.
Instauration d’un nouveau régime
Les effets de la loi du 23 mars [5] sur la vie quotidienne ont été abondamment commentés dans les médias, sur les réseaux sociaux : distanciation sociale, interdiction de tout déplacement sauf dérogation, réglementation des transports, interdiction de tout rassemblement, réunion ou activité collective (dont religieuse et politique), fermeture des établissements scolaires, réquisition de biens et de personnes, possibilité de mise en quarantaine, de placement ou isolement des personnes affectées. Les conséquences de la loi du même jour sur le fonctionnement des institutions n’ont par contre pas été particulièrement soulignées. Celles d’une validation des entorses à la constitution par le Conseil constitutionnel lui-même non plus [6]. Réduire les enjeux de l’EUS aux modalités du confinement évacue toute critique conséquente de la gestion de la crise. Car cette loi concerne bien plus que la santé.
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P.-S.
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