Caen : back dans les bacs

8000 personnes manifestaient jeudi 22 mars contre les réformes de Macron à Caen. Récit d’une journée animée.

Aujourd’hui 8000 personnes ont défilé dans les rues de Caen au départ de la gare. Outre un nombre important qui dénote des quelques manifestations contre les ordonnances, l’ambiance fut particulièrement festive au sein du cortège. Dans la mêlée en effet, une sono semblait siffler des airs différents des habituels « Trust » et « Zebda » de la CGT. Au rythme du son, des centaines de lycéens se dirigent vers des thèmes en 8 mesures. Soudain, une épaisse fumée rouge se dessine et un dragon de 4 mètres de long fait son apparition – la fumée s’exfiltrant de ses naseaux. La bête a semble-t-il du soutien. Des banderoles l’entourent et, en leur sein, la jeunesse fait corps.

Départ de la manifestation. Le dragon chante : « Des canons, par centaiiiines, des fusiiiiils, par milliers » entend-on parmi les rangs des syndicalistes qui félicitent la créativité. À ce moment c’est alors sûr : la tonalité morne du défilé ne sera pas au programme de ce printemps. Le cortège s’engouffre alors rue de la gare, ça danse, ça chante. Ce bout de cortège, « c’est la puissance, gros ». Arrivé au pont de l’orne, qui n’avait pas été traversé sous le règne de Papineau Premier, le cortège s’engouffre sur la gauche et rejoint la rue Saint-Jean. Tout à coup, un œuf de peinture noire éclate contre la vitrine du Crédit du Nord. Tout à coup, ça se remue dans le cortège : ce geste posé, nombreux sont celles et ceux à vouloir le reproduire. L’équipe est toka. Ça vole, ça décore. L’avancée dans la rue Saint-Jean – une des plus grandes artères de Caen – est impressionnante : on ne semble plus voir ni la tête ni la queue du cortège. Pendant ce temps-là, les slogans fusent de la bouche du dragon, la colère se mêle à la joie. Chaque banque croisée est ciblée par les œufs de dragon. Des confettis sont lancés. Les sourires crampent les visages, rougis par les lumières des torches, tellement ça rigole.

Au loin, deux agents des Renseignements Territoriaux aperçus au croisement de Saint-Jean et de la rue de Verdun, sont joueurs et veulent voir le dragon. Il faut dire qu’il en a, de l’allure ! Seulement les enfants du dragon ne sont pas de cet avis. Une torche est lancée à plus de 20 mètres et semble partir pour s’écraser sur les deux loups qui se font lapins et qui détalent. Dans le cortège, on sent que le ton va changer. Des agents de la Brigade Anti-Criminalité sont repérés non loin du cortège : l’un porte un autocollant SUD PTT, l’autre un autocollant SOLIDAIRES. Montrés du doigt, des enfants du dragon vont prévenir les camarades. Rapidement, ils sont pointés par tout un tas de personnes au rythme de « Cassez-vous, cassez-vous » ou de « BAC, RG, hors des manifs », tant et si bien qu’ils se terrent à leur tour passage Chanoine Cousin.

Arrivé rue de Bernières en effet, le cortège a pris à droite en direction du port. Ça poursuit vers la Tour Le Roy, puis vers le château avant de rejoindre la rue Saint-Pierre. Les quelques banques croisées subissent le feu du dragon à nouveau rue de Strasbourg. Puis, tranquillement, le cortège se dirige vers la place du théâtre. Le dragon s’envole, ses enfants disparaissent. Les syndicats font leur discours et invitent à une assemblée à l’auditorium du château. Quelques jeunes décident de partir à un petit groupe d’une quarantaine pour l’auditorium. La police tourne et suit. Ça accélère, ça sent le mauvais coup. Les Renseignements sont au pied, la BAC au bas de la rue Saint-Pierre. Arrivé sur l’esplanade, les véhicules de la section d’intervention, précédés de la BAC arrivent. Un jeune est frappé à la télescopique puis savaté avant d’être embarqué. Un autre, qui n’avait pas participé à la manifestation et qui ne comprend pas ce qu’ils se passe se fait frapper et embarquer lui aussi. Rapidement, les gardes-chiourmes se déploient et usent de leur arsenal : entourant la cinquantaine de manifestants, ils lancent les gaz lacrymogènes, tirent au LBD 40 (Flashball), et envoient des grenades de désencerclement. Au total, plusieurs blessés légers, un jeune à l’hôpital, trois interpellés.

L’assemblée générale a acté d’un rassemblement de soutien aux trois jeunes devant le commissariat à 15h.

Une chose est sûre, c’est que la muselière a lâché. Caen fut longtemps paralysée par la peur mais la détermination face à l’énormité de ce qui se joue appelle à de belles manifestations. Les enfants du dragon semblent « plus chauds, plus chauds, plus chaud qu’Gérard Collomb ». C’est peut-être aussi, pour laisser la parole, que « quand tout un monde se lézarde, ce n’est pas de nouvelles idéologies critiques dont on éprouve le besoin, mais de pratiques de plus en plus radicales » (René Lourau).

Longue vie au dragon, longue vie au mouvement !

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