Chroniques du Nouveau Monde

Voyage aux Etats-Unis, février 2017, un mois après l’investiture de Donald Trump.

Pour m’accompagner, j’avais choisi Station Eleven, d’Emily St. John Mandel, un roman d’anticipation canadien (lire la très bonne critique sur le site Les cahiers du bruit : https://lescahiersdubruit.com/2016/11/29/station-eleven-demily-st-john-mandel/ ). Ce roman a l’avantage de réunir les meilleurs topos des récits d’anticipation récents : on trouve le réalisme de The Road de Cormac McCarthy, l’errance, le danger, les trouvailles miraculeuses, mais avec une certaine forme de communisme qu’on peut trouver dans Walking Dead. Comment reconstruit-on les liens après la catastrophe ? Qu’est-ce qui fait tenir les gens ensemble ? Ce qui est réjouissant dans ce livre c’est que le rapport entre les personnages n’est pas la seule survie. Ce qui joue principalement c’est là où chacun situe l’espoir : dans un retour à la vie ancienne, dans le mystique, dans le fait de s’en remettre à d’autres ou dans l’idée qu’il faut construire autrement en gardant une trace de ce qui a été vécu avant, que les perspectives résident dans ce qu’on est capable de partager.

Si lire un roman d’anticipation me paraissait tellement pertinent ici et à ce moment-là, c’est parce que l’élection de Trump rappelle les scénarios catastrophes, produits pour faire peur, le début de l’ère de la survie. Les références se bousculent, on peut y voir aussi bien le contrôle de population d’un Big Brother* que la superpuissance ridicule d’un Zéro Janvier**. L’essentiel est de choisir un mégalomane, entouré d’une équipe d’autres fanatiques – on ne compte plus les journaux qui présentent l’entourage politique de Trump en une galaxie d’extrémistes paranoïaques et dangereux – et de le mettre à la tête de l’état le plus puissant du monde. Parce qu’on ne pouvait pas y croire, parce que le monde d’aujourd’hui n’en finit plus d’agoniser et qu’il lui faut une chute plus rapide.
Et puis parce que les américains ont un rapport aux autres profondément étrange. C’est comme si leur individualisme libéral, leurs multiples origines avaient rendu la compréhension mutuelle trop difficile. Ce qu’ils compensent par un excès de politesse. Les situations n’étant pas immédiatement lisibles, il faut les expliciter toujours, éviter tout malentendu. Alors on surjoue l’attention à l’autre, on l’abreuve de formules, mais pour autant l’incompréhension semble être la même.

*dans 1984 de George Orwell (1949).
**dans la comédie musicale Starmania de Luc Plamondon et Michel Berger (1978).

Dans un stand de tir, en Californie, j’ai entendu, prononcé par un vieux, cliché de l’Américain tel qu’on l’imagine en Europe, qui était venu avec son adolescente de seize ans pour l’entraîner au tir, à un autre vieux, venu avec ses deux fils d’environ vingt ans : « Là c’est bon, ils sont prêts pour le nouveau monde des États-Unis. »
À partir de là, plusieurs interprétations possibles : est-ce que ce nouveau monde est celui de Trump, où tout est permis ? Est-ce que c’est le nouveau monde de la suprématie des blancs ? Idiocracy ?
Un ami de là-bas proposait l’hypothèse que les américains sont en quête permanente d’un nouveau monde.
La boucle est bouclée : d’où l’élection de celui qui précipite la catastrophe.

Publiez !

Comment publier sur A l’ouest - Site coopératif d’informations locales et d’ailleurs, sur Rouen et alentours?

A l’ouest - Site coopératif d’informations locales et d’ailleurs, sur Rouen et alentours n’est pas qu'un collectif de rédaction, c’est un outil qui permet la publication d’articles que vous proposez. Quelques infos rapides pour comprendre comment être publié !
Si vous rencontrez le moindre problème, n’hésitez pas à nous le faire savoir
via le mail alouest@riseup.net