Gynopédia, ou comment se ressaisir de ce qu’on veut nous confisquer.

Il y a quelques mois, je lisais un roman intitulé Le choeur des femmes, de Martin Winckler. C’est un roman de formation : il raconte l’histoire d’une jeune médecin déjà modelée par la faculté et par sa spécialité d’élection et qui doit brusquement réviser ses préjugés devant une réalité qui lui avait échappé jusqu’ici : ce ne sont pas ses maîtres qui lui apprendront son métier, mais les patientes.
C’est un roman documentaire qui décrit la médecine des femmes, ses gestes, ses particularités, ses écueils, ses interrogations éthiques. Pendant des siècles, la médecine était l’apanage des femmes, en particulier lorsqu’il s’agissait du domaine de leur intimité. Ce que montre le livre c’est que bien qu’elles soient encore détentrice d’un savoir lié à leur expérience, la plupart du temps, la gynécologie décide qu’elle sait mieux qu’elles.

Un article de Libération daté du 26 février révèle en fait que des femmes s’organisent contre cette confiscation du pouvoir sur leur intimité :

GYNOPÉDIA : « SI TU CONNAIS UN GYNÉCO NON LESBOPHOBE, FAIS CIRCULER TON PLAN »

Une plateforme participative permet à « toute-une-chacune » de collaborer en ligne au premier guide mondial de la santé des femmes. Lancé l’été dernier, le site décolle.

Où trouver la pilule du lendemain à Nairobi ? Quelles sont les règles pour le congé maternité à Karachi et comment dit-on « mycose » en Coréen ? […] Il suffit d’aller sur le Wikipédia de la santé des femmes : « Gynopédia » (www.gynopedia.org – pour l’instant en anglais).
Installée à Hanoi, Ilana Fried, enseignante américaine de 32 ans, a lancé le site en juillet avec les moyens du bord. « Quand je me suis installée, j’aurais eu besoin de cette aide, donc je l’ai créée pour les autres femmes », explique-t-elle à Libération. Le succès est au rendez-vous, avec plusieurs centaines de connexions quotidiennes et un réseau grandissant de 67 villes (sur 48 pays). Une démonstration s’il en fallait du manque criant d’accessibilité et de limpidité de ces informations. Car le vote de la loi sur le délit d’entrave numérique à l’IVG, adoptée le 16 février à l’Assemblée nationale, nous le prouve : Internet est aussi un terrain de chasse, pour les anti-choix (qui se disent prolife).

Collaborer contre le désert de l’info

Chaque cité, explorée par une visiteuse ou une habitante, est analysée par catégories : la contraception (la pilule du lendemain existe-t-elle ?), les MST (où se faire dépister ?), les règles (où acheter ses protections, quel tabou entoure les menstrues ?), les examens gynécologiques (pour trouver un-e bon-ne praticien-ne), la grossesse (comment se déroule le suivi dans telle contrée ?), l’avortement (vaste question) ou les assistances sociales ou juridiques (en cas de maltraitances). Les données s’enrichissent à la faveur de nouvelles collaborations.
« Gynopedia a été créé par et pour les gens ordinaires, explique Ilana Fried. Si tu connais un-e gynéco non lesbophobe, alors d’autres devraient connaître ton plan. Si tu connais les risques légaux liés à l’utilisation de contraceptifs d’urgence dans ton pays, alors ceux qui viennent de s’y installer doivent le savoir aussi. Plus on aura de collaboratrices plus on va construire une connaissance collective, nous donner de la force et permettre à d’autres femmes de prendre des décisions éclairées, quant à leur corps. »

Taylor Schulte, professeure d’anglais de 31 ans, vit à Jakarta, en Indonésie. Elle a décidé de nourrir la plateforme en souvenir de ses galères passées : « J’ai beaucoup voyagé dans ma vie et j’ai toujours eu des problèmes pour trouver des infos concernant ma santé. J’ai ajouté des endroits, et des institutions, mes bons plans, et j’ai aussi fait des recherches sur le cadre législatif, ce qui m’a demandé un peu plus de temps. »

Les temps sont durs

Les professionnels ne s’y trompent pas : le monde, qu’il soit du Nord ou du Sud, a plus que jamais besoin de ce type d’initiatives. A la lumière de l’élection de Donald Trump, Shannon Kowalski, présidente de la Coalition internationale pour la santé des femmes (IWHC), déclare au site américain Broadly : « Gynopedia sera sans doute une ressource très intéressante et utile aux femmes, surtout celles qui voyagent. Mais ce sera aussi un très bon cadre de référence, si l’on vit aux Etats-Unis aujourd’hui. L’administration Trump n’est pas simplement en train de rendre difficile l’accès à l’avortement [en réduisant par exemple le pouvoir du Planning familial, ndlr], elle essaie aussi d’empêcher l’usage de la contraception, à dessein. Nous assistons à un contrôle sur le corps des femmes qui nous ramène aux années 50, quand nous n’avions pas beaucoup de contrôle sur nos propres corps. »
[…]

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