Le compteur Linkill.

Chapitre 1.

Il faisait plutôt gris pour un mois de juillet. Pas vraiment froid, pas vraiment de pluie, mais un temps lourd et moite. Exactement un temps à vous foutre en rogne. Pourtant, une fois n’est pas coutume, Gabriel se sentait de bonne humeur, tandis qu’il se dirigeait vers la vitrine bien connue du bar-restaurant Au Pied de porc à la Sainte-Scolasse. C’est donc avec un sourire de simple d’esprit qu’il poussa la porte du bistrot.

Et il s’emplafonna immédiatement dans un jeune homme, pas la trentaine, en polo bleu et en sueur. Il bredouilla une excuse et réalisa que son ami Gérard, saint patron des pieds de porcs, gueulait comme un veau. Gabriel, interloqué, regarda le jeune homme, y reconnut un gommeux de premier ordre et repéra sur son polo un logo qu’il n’avait jamais vu.

« Et cerise sur le gâteau, un Poulpe ravi qui débarque à ce moment-là et qui s’excuse ! Il s’excuse ! Tu veux pas lui payer un coup, non plus, à ce morveux ? ».

Le morveux en question n’en aurait pas voulu : parlons clairement, il chiait dans son froc. « Laisse-le sortir, nom de Dieu ! » Gabriel libéra le seuil et l’autre sortit sans se faire prier. Les années qui passaient ne rendaient toujours pas évidentes les manœuvres d’un corps doté de membres aussi grands.

« Un Poulpe ? dit une voix de femme en provenance de la cuisine. Un Poulpe ! »

Maria, la patronne, se précipita sur Gabriel et le serra dans ses bras. Son sourire était sincère, mais assombri d’un orage que le Poulpe avait rarement vue : la colère de Maria.

« Ils sont de pire en pire à vouloir nous vendre leurs saloperies.

  • Un démarcheur qui a embêté Gérard ? ricana-t-il.
  • Rigole, couillon ! pesta Gérard depuis le bar.
  • Non, c’est Engie. »

Angie ? Angie, dis-moi Oui ? Quelle Angie ?
Le sourire de Maria s’élargit devant l’expression du Poulpe. Forcément, lui qui logeait à l’hôtel ou au hasard, lors de ses enquêtes, ne suivait pas l’actualité des changements de noms des compagnies d’électricité.

« Engie ! Avec un E, c’est le nouveau nom d’EDF. Ça change tout le temps de nom, mais tout le monde dira toujours EDF ».

De son côté, Gérard commençait à se calmer : « Ils veulent nous poser un compteur intelligent ».
Ah.
Gabriel commençait à cerner le problème. Lui aussi se méfiait en général des objets qui se croyaient plus intelligents que lui. Si loin des technologies qu’il se tenait, il avait commencé à comprendre que leur intelligence était surtout tournée vers la vente. C’est-à-dire l’arnaque.

« Le compteur, il est tellement malin, qu’il enregistre toutes les données de ta consommation et qu’il modifie ton abonnement tout seul.

  • Pour te faire faire des économies, qu’il me dit le morpion ! se chauffait de nouveau Gérard, Et je lui dis : « Parce que votre but, à vous, c’est de m’aider à vous filer moins de pognon, c’est connu ! ». Et qu’est-ce qu’il me dit ? Que je me mets en infraction si j’empêche le technicien de toucher à mon compteur !
  • Le con de base, conclut calmement Maria. »

Gabriel s’assit au comptoir pour déguster les tartines et le café que Gérard lui avait servis. La fermeté de ses amis face au gommeux de l’électricité lui plaisait bien. Il décida de taquiner Gérard, pour ne pas perdre les bonnes habitudes : « C’est des soucis de petit propriétaires, quoi ! ». Au regard du patron, il sut que sa colère descendait et qu’une de leur traditionnelles joutes verbales s’annonçait. Sa bonne humeur ne s’était pas estompée.

A suivre.

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