Mais que se passe-t’il à Gaza ?

Le conflit dit « israélo-palestinien » (1) a fait son retour dans l’actualité nationale avec le massacre de plus de 60 manifestants défilant sans armes vers la frontière israélienne ce 15 mai 2018, journée de l’inauguration en grandes pompes de la nouvelle ambassade américaine à Jérusalem. Le contraste est choquant : réjouissances d’un côté, bain de sang de l’autre. Un petit condensé de tout le cynisme de l’Etat d’Israël. Cynisme aussi quand l’ambassadrice américaine affirme à l’ONU qu’Israël a fait preuve de retenue Une petite piqure de rappel de la violence de l’Etat colonial (dans la lignée de la colonisation occidentale depuis la découverte du Nouveau monde, en passant par la colonisation de l’Afrique ou de l’Asie), prêt à tout pour son expansion, sa stabilisation et la domination de son territoire. Mais que se passe-t’il à Gaza ? Je me suis entretenu avec Vivian Petit, auteur d’un livre Retours sur une saison à Gaza, qu’il a écrit à la suite d’un séjour comme professeur de français dans une université gazaouite en 2013, pour obtenir son point de vue sur ce qui se passe actuellement à Gaza. Je résume ici la situation et certains éléments de notre échange, en y ajoutant d’autres éléments de réflexion.

Que s’est-il passé ce 15 Mai 2018 ?

Le 15 Mai 2018 est une double date, qui se rapporte à un même événement mais avec deux points de vue bien distincts : d’un côté les premières implantations israéliennes, célébrées comme fête nationale par le pouvoir israélien et de l’autre côté la Nakba (« catastrophe ») qui renvoie à l’expulsion hors de chez eux des autochtones palestiniens pour établir un Etat juif. C’était les 70 ans de cet événement où, entre 48 et 49, l’armée coloniale israélienne a mis 750 000 à un million de personnes en position de réfugiés dans leur propre pays en agrémentant ces déplacements de massacres organisés.

Cet apartheid n’est pas qu’une lointaine histoire, Israël continue de dénier aux Palestiniens leur droit au retour ratifié par l’ONU (la résolution 194). Gaza continue d’être une sorte de prison à ciel ouvert où même le ciel est recouvert (comme dirait Amir Hassan, un ami de Vivian Petit ayant vécu à Gaza), un enclos où vivent 2 millions de personnes encerclées de chars, visés par des snipers lorsqu’ils se rapprochent de la frontière israélienne. Air, feu, terre, et eau puisque le blocus maritime israélien harcèle aussi les pêcheurs palestiniens.

Ces manifestations n’ont pas été appelées par le Hamas qui contrôle la bande de Gaza, contrairement à ce que dit la propagande médiatique franco-israélienne, mais viennent d’un élan populaire et d’une volonté de s’organiser de manière civile et sans institutions pour réclamer le droit au retour.

Le 15 mai 2018, des milliers de personnes sont allées manifester, en essayant de s’approcher le plus près possible de la frontière israélienne. Ces manifestations se sont intensifiées depuis 2 mois à Gaza et s’inspirent de manifestations en Cisjordanie non armées et civiles. Comme partout dans le monde, et avec l’influence du Printemps Arabe, les palestiniens font de moins en moins confiance à leurs dirigeants et cherchent à s’organiser, par la base, pour agir contre l’Etat oppresseur d’Israël. Les manifestations en Cisjordanie consistaient à s’approcher des check-point, du mur construit par Israël avec parfois des actions de sabotage, actions plus difficiles à Gaza où l’ennemi est toujours présent (dans tous les éléments) mais rarement atteignable. Cette forme de manifestations gazaouites s’est développée depuis 2 mois, une cible a été trouvée : la frontière Israélienne, un but : s’en approcher le plus possible pour demander le droit au retour.

Avant le 15 Mai, l’Etat israélien avait prévenu qu’ils finiraient par réprimer ces manifestations qu’ils ne pouvaient plus tolérer. Vivian Petit insiste dans son livre sur le fait que dans le milieu médiatique ou militant on ne parle de Gaza principalement en réaction d’événements horribles et choquants mais très peu de la réalité quotidienne d’une ville assiégée et des gestes du pouvoir répressif Israélien car, comme pendant les bombardements de 2014, cette violence est ciblée, elle visent ce qui pour Israël n’est plus un territoire composé d’humains mais une « entité hostile » (déclaration du gouvernement israélien dès le blocus de 2006 qui fit suite à la victoire du Hamas aux élections législatives à Gaza et en Cisjordanie) à détruire, un ennemi déshumanisé à éradiquer pour continuer son expansion et maintenir ce peuple sous domination.

Que se passe-t’il à Gaza ?

Gaza est encerclé par l’armée israélienne. Celle-ci considère le peuple gazaouite (comme le peuple des Casbah à l’époque de la Guerre d’Algérie, les exemples ne manquent pas ! vietcongs, afghans, etc.) comme un peuple de terroristes. Israël tient à faire de sa frontière avec Gaza un no man’s land, le problème étant qu’une grande partie des zones agricoles palestiniennes se trouve dans cette zone. La solution pour Israël est donc un harcèlement au quotidien : tirs de sniper à côté des paysans qui cultivent à proximité de la frontière, pulvérisation aérienne de pesticides pour rendre les terres non productives. La population gazaouite est entièrement identifiée au Hamas, ce qui permet beaucoup plus facilement, dans une division du monde binaire gentils/méchants que les puissants apprécient, de s’attaquer à eux et de les tuer.

Vivian Petit affirme qu’il n’est pas surpris de cette attaque et que cette chose-là n’aurait sans doute pas été possible à Ramallah où la population n’est pas stigmatisée de la même manière. Que se passe-t’il à Gaza ? De la résistance, la volonté de trouver des solutions même si une partie de la population a perdu un peu d’espoir. Ces marches et leur répression manifestent ce qu’est Israël et dont la propagande médiatique ne taira pas la vraie nature : un Etat colonial, dévastant de cynisme, efficace, dont l’armée a été félicitée par Netanyahu à la suite des massacres. Israël sait donc très bien ce qu’elle fait et qui elle est. Elle sape le moral des palestiniens, cherche à les dégouter de toute velléité de liberté. Elle les parque, les affame puis les accuse de terrorisme comme le pouvoir d’Afrique du Sud avait fait avec l’ANC au moment de l’apartheid mais c’est ici tout un peuple qui est visé. Même les enfants sont accusés d’être des agents manipulés par le Hamas, on peut donc les tuer, autant couper l’herbe à la racine, réduire la population pour réduire son territoire, pour prendre sa terre. En espérant que cette farce prenne un jour fin…

Que faire ?

Il est possible d’aller en Palestine, pour aider la population, rapporter leur mode de vie et aider pour les récoltes par exemple. On peut aussi boycotter les produits israéliens (campagne BDS) :

Sodasteam Carmel (fruits et légumes) - Jaffa (fruits et légumes) - Kedem (avocats) - Coral (Cerises) - Top (fruits et légumes) - Beigel (biscuits apéritifs) - Hasat (agrumes) - Sabra (repas complets) - Osem (soupes, snacks, biscuits, repas complets préparés) - Dagir (conserves de poissons) - Holyland (miel, herbes) - Amba (conserves) - Green Valley (vin) - Tivall (produits végétariens) - Agrofresh (concombres) - Jordan Valley (dattes) - Dana (tomates cerises) - Epilady (appareils d’épilation) - Ahava (cosmétiques de la Mer morte).

De nombreux autres grands groupes sont liés à la politique israélienne : Nestlé qui possède 50,1 % d’Osem, Intel qui produit des puces dans une colonie, L’Oréal qui a choisi d’implanter une de ses usines dans une colonie, etc. (2)

Le boycott n’est pas uniquement ciblé sur la consommation, d’autres actions sont possibles : agitpop dans des supermarchés pour protester contre la vente de produits israéliens (attention aussi aux patates douces souvent produites en Israël), blocage au port de cargos israéliens, sabotages dans des usines de productions liées à Israël, boycotts culturels et des petites actions de base : ne pas partir en vacances en Israël, résister à la tentation d’aller voir les boîtes de nuit de Tel Aviv qui apparemment sont super sympas…

On peut aussi manifester, se rassembler pour sensibiliser, des événements ont déjà été organisés à Rouen.

Pourquoi cibler spécifiquement Israël ? Parce que voir fonctionner à l’heure actuelle les vieilles recettes de la colonisation est insupportable. Parce que l’aventure coloniale doit s’arrêter, allez sur Mars si vous voulez encore faire ce type d’expérimentations, à Pluton, mais l’Histoire a suffisamment démontré que toutes les aventures coloniales se terminaient mal. On peut aussi citer, par exemple, le sionisme noir de Marcus Garvey, révolutionnaire afro-américain panafricaniste, et son Black Star qui a débouché, en partie, sur l’instauration d’un pouvoir esclavagiste par les noirs américains au Libéria, au détriment de la population autochtone, dont le pays ressent actuellement l’effet. Le sionisme, qui partait peut-être d’une bonne intention, comme tout idéalisme devient vite une grande farce terrible au moment où il faut passer à l’application.

(1) Un certain nombre de militants préfère éviter cette nomination qui fait penser à un conflit d’égal à égal alors qu’il est profondément asymétrique et qu’il s’agit principalement d’une guerre coloniale d’Israël d’un côté et d‘un mouvement de résistance palestinienne de l’autre.

(2) Dans cet article vous trouverez d’autres informations sur d’autres marques…

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