Surgissement : une expulsion illégale ?

Le vendredi 4 mai 2018, les occupants de la Capitainerie de l’île Lacroix se faisaient expulser manu militari après 4 jours de festivité. Bien qu’un huissier de justice soit passé au moins deux fois pour constater que le bâtiment était habité, que les noms des occupants étaient indiqués trés clairement sur la porte d’entrée et alors que les occupants attendaient une convocation devant le tribunal pour faire valoir leurs droits, l’expulsion s’est faite sans audience et les occupants ont été évacués par la police sans aucun délai.

Nous avons posé quelques questions à Me Chalot, l’avocate des occupants, pour avoir quelques éclaircissements sur cette situation.

Quelle est la procédure ordinaire pour permettre l’expulsion d’un lieu occupé ?

« En France, un lieu habité ne peut être expulsé sans décision de justice, la loi est parfaitement claire sur ce point. Le fait que les habitants d’un lieu squatté soient en violation de la loi pénale est sans incidence sur ce principe. Des tribunaux ont ainsi jugé explicitement que l’intervention des forces de police pour constater l’existence d’une infraction pénale ne permet pas de procéder à l’expulsion des habitants sans décision judiciaire.
Pour procéder à l’expulsion d’occupants sans droit ni titre, qualification juridique des « squatteurs », le propriétaire doit saisir le tribunal d’instance, compétent pour les questions d’habitat. Les personnes occupant le lieu sont alors convoquées devant le tribunal d’instance (un huissier leur délivre une assignation à comparaître devant cette juridiction, après leur avoir adressé un commandement d’avoir à quitter les lieux dans un premier temps).
Leur situation personnelle est ensuite examinée par le magistrat qui peut leur accorder des délais pour quitter les lieux. Selon les termes de la loi, pour la fixation de ces délais, « il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. » (Article L412-4 du code des procédures civiles d’exécution)

Quelle procédure a été utilisée pour permettre l’expulsion de Surgissement ?

Concernant le lieu occupé par le collectif Surgissement, la procédure ordinaire n’a pas été mise en œuvre. Une ordonnance sur requête a été délivrée par le Président du Tribunal de Grande Instance de Rouen sans que les occupants aient été mis en mesure de présenter leur défense. C’est une procédure qui exige que le demandeur, la préfecture et le port dans notre exemple, démontre l’urgence de sa requête et sa légitimité à ne pas avoir de contradicteur. Ici, il a été argué qu’il n’était pas possible de connaître l’identité des occupants.

Quels sont les différences avec la procédure classique ? L’expulsion était-elle légale ?

C’est une procédure très exceptionnelle dans la mesure où les principaux concernés n’ont pas la possibilité de se défendre avant qu’une mesure soit prise à leur encontre. Juridiquement, l’expulsion est légale puisqu’elle est ordonnée en exécution d’une décision de justice. La question se pose toutefois du recours à cette procédure non contradictoire alors que des occupants s’étaient manifesté en indiquant leur nom sur le bâtiment et en déclarant habiter celui-ci.
La même procédure a été utilisée pour procéder à l’expulsion de la ZAD de NDDL. Bien que les occupants s’étaient fait connaître d’AGO-Vinci en déclarant leur identité, les procédures d’expulsion à leur encontre n’ont pas été contradictoires. Des ordonnances sur requête ont été rendues alors que les habitants, résidant dans les lieux depuis plusieurs années, auraient pu être assignés en expulsion, leur identité étant parfaitement connue.

Prochain rendez-vous Surgissement :

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