Visages défendus, un documentaire de Catherine Rechard

C’est l’histoire de la censure qui donne l’idée à Catherine Rechard de faire son documentaire.
Ce film est en effet né des réflexions qui ont suivies l’interdiction de diffusion qui avait frappé Le déménagement, un précédent film, réalisé en 2010 autour du passage de la vieille maison d’arrêt de Rennes vers le centre pénitentiaire de Rennes-Vezin.

Après avoir autorisé le tournage du film, l’administration pénitentiaire s’était finalement opposée à sa diffusion télévisuelle, demandant le floutage des visages des détenus qui avaient choisi d’y apparaître à visage découvert et qui le faisaient pour affirmer une position.
L’affaire s’est conclue devant le Tribunal Administratif de Paris qui a, le 13 juillet 2012 annulé la demande de l’administration pénitentiaire, permettant ainsi la diffusion télé du film.

Dans ce nouveau documentaire, les détenus apparaissent visage découvert et nous parlent de ce visage. De l’image qu’ils renvoient, qu’on leur colle, qui les définit.
En montrant ces visages, Catherine Rechard vient heurter ce que notre monde voit, dit, pense de la prison. Et aborde un point essentiel qui est celui du personnage carcéral. Celui qu’on imagine en prison, parce que son destin l’y préparait, parce qu’il a toujours eu ce mauvais regard, parce que dans sa famille, de toute façon..., parce qu’il en a les caractéristiques génétiques (sic), parce qu’il en a les caractéristiques anthropomorphiques (sic), parce que de toute façon, il l’a bien cherché, sinon il ne serait pas là.

En laissant la parole aux détenus d’une prison du Jura, la réalisatrice démonte cette construction du pouvoir et cette appréciation populaire. Ce qui est frappant c’est à quel point ceux qui sont interrogés sont attachés à leur normalité, à ce qui fait d’eux des personnes comme les autres. C’est bien que la prison leur renvoie sans cesse le contraire.
Dans le documentaire, une femme constate d’ailleurs à quel point on bascule vite, sans s’y attendre. Et, alors même qu’elle croyait intimement à la peine de mort, à la morale, son arrivée en détention a remis en cause ces jugements-là.

Il y a quelques temps, nous sommes allés rencontrer des détenus en prison. Et spontanément, leurs questions portaient sur comment s’était passé notre week-end, comme pour rappeler que ce qui compte dans une rencontre, ce qui est déterminant, c’est qu’on appartient au même monde, qu’on partage une même réalité, qu’on a des vies pas si étrangères les unes des autres.
Pourtant, partout on retrouve le même discours, les mêmes facilités de langage, dans les médias, à l’école, à la maison, les représentations de ceux qui sont en détention sont caricaturales. On y projette tout ce qu’il y a de plus monstrueux et on ne se prive pas de donner son avis, toujours moraliste. Pour être bien sûr de tracer une ligne de démarcation entre eux et nous. Comme un sort qu’on jetterait pour être sûr que ça ne sera jamais nous à l’interieur. Mais comment peut-on penser qu’il peut y avoir une utilité ou pire encore, une justification à enfermer un homme, une femme ou un enfant pendant des mois, des années ou des décénnies. La diabolisation des détenus ne sert qu’à nous laisser dormir en paix dans un monde où l’on se félicite de laisser croupir entre quatre murs ceux qui enfreignent les règles.

Et pourquoi enfreint-on les règles ? Parce qu’on cherche à s’en sortir dans une vie où tout a toujours marché un peu de travers ? Parce qu’on cherche sa place socialement ? Parce qu’on cherche à avoir de la thune alors que toutes les portes se sont toujours fermées devant nous, nos amis ou notre famille ? Parce qu’on s’attaque à ce qui nous a toujours détruit de l’intérieur ?
Et si on parle de détenus qui ont blessé, tué, violé : on n’a jamais vu la prison empêcher de passer à l’acte, on n’a jamais vu la prison empêcher de recommencer et surtout on n’a jamais vu la prison permettre à une victime de se reconstruire.

C’est toujours dans un contexte de détresse sociale qu’on va en prison : que ce soit par l’alcool, pour du trafic, pour des braquages. Ce qui détermine le « crime » que punit la prison n’est pas alors le mal absolu d’un point de vue moral mais l’incapacité à correspondre au système, à l’ordre établi.

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