À partir de 18h, une petite foule se masse près du métro du théâtre des arts. Sur une banderole, on lit : « De la ZAD à la fac : Non aux expulsions ».
Sur les visages, la rage, la tristesse. Le réconfort malgré tout de se retrouver là ensemble.
Aujourd’hui, au moins neuf lieux de vie ont été détruits, sous les nuages de gaz lacrymogènes et les coups secs des matraques sur les boucliers. Mais nous ne resterons pas sans rien faire.
Une personne au mégaphone prend la parole pour lire un communiqué de la zad :
Dans le cadre des rencontres entamées par la délégation commune du mouvement avec la préfecture, nous avons annoncé notre volonté d’une prise en charge collective des terres. Le gouvernement a affirmé de son côté qu’il expulserait, à partir du 31 mars, les personnes établies au cours des dix dernières années sur la zad et qui ne rentreraient pas dans un cadre d’occupation légale liée à un « projet agricole ou para-agricole ». Il a convenu que cette occupation légale pourrait se traduire par des « conventions d’occupations précaires » pendant la phase transitoire nécessaire à la mise en place d’un projet pérenne pour l’avenir de la zad. Mais à ce jour, aucune des personnes concernées n’a souhaité répondre aux appels à l’envoi de demandes de conventions d’occupation précaire individuelle. Ce choix partagé ne part pas en soit du refus d’une formalisation légale de l’occupation, mais de la volonté de donner un cadre collectif à cette formalisation.
Pour avancer à ce sujet, nous annonçons donc l’envoi aujourd’hui à la préfecture d’une proposition concrète de convention provisoire collective. Cette convention collective en 3 volets couvre les terres agricoles, les espaces boisés, ainsi que les habitats et bâtis à ce jour pris en charge et entretenus par le mouvement. Cette convention provisoire pourrait être signée dès demain par l’association « pour un avenir commun dans le bocage ». Cette association loi 1901 créée le 27 février regroupe différentes composantes du mouvement et usager.e.s du territoire – habitant.e.s, paysan.ne.s ou voisin.e.s.
Nous proposons aujourd’hui un cadre collectif car nous ne pouvons envisager un tri sélectif de la richesse et de la diversité des projets actuels sur la seule base de ceux qui seraient, individuellement, les plus immédiatement intégrables aux cadres habituels de la chambre d’agriculture. Une convention collective permettra au contraire de pérenniser les différentes activités agricoles, artisanales, sociales ou culturelles à l’œuvre aujourd’hui dans le bocage ainsi que les habitats. Elle privilégie l’organisation collective, solidaire et la connexion entre les différents projets fédérés sous une forme coopérative. Une démarche collective a été entamée en ce sens auprès de la MSA. Une convention collective est la mieux à même d’être en accord avec un modèle agro-écologique systémique qui correspond aux pratiques actuelles et part d’une rotation concertée des usages plutôt que d’un morcellement des parcelles et des activités. C’est ce cadre collectif qui peut assurer le maintien d’une vision du territoire soucieuse des communs, du soin au vivant, d’une vision paysanne et de la place nécessaire aux expérimentations sociales. Elle est cohérente à ce titre à la fois avec la volonté affiché par le gouvernement d’un projet d’agriculture innovant et avec la vision portée à long terme par le mouvement.
Alors qu’une opération policière visant à des destructions d’habitat est annoncée comme imminente, cette convention est aussi une proposition très concrète pour sortir de l’ornière. Nous pensons qu’il est encore temps pour le gouvernement de renoncer à cette logique répressive et absolument contradictoire avec la volonté affichée d’une « évolution sereine et apaisée de la situation ». Les conséquences d’une nouvelle intervention, en terme de destruction d’habitats, d’espaces d’activités et de cultures, de risques humains et de tensions pour tout le voisinage, seraient dramatiques et représenteraient un profond gâchis.
Il est encore possible aujourd’hui pour le gouvernement d’ouvrir un vrai dialogue plutôt que de se lancer dans une nouvelle évacuation policière. La délégation commune du mouvement est dans l’attente d’une nouvelle rencontre au plus vite à la préfecture à ce sujet.
De nombreux flics sont postés aux alentours, sans doute prêts à nous bloquer là. Le cortège décide néanmoins de prendre la poudre d’escampette dans la seule rue dégagée et réussit à se faufiler au centre-ville, tallonné de près par les bleus : une dizaine de fourgons, la BAC, des RG.
On scande « La ZAD vivra ! », « La rue est à nous ». On distribue des tracts. Certains finissent sur les fenêtres des bus pour en faire profiter les voyageurs. Deux marmots juchés sur des épaules se tiennent la main. Demain, ils continueront de clamer à l’école que ça va pas du tout de détruire les cabanes de la ZAD.
Vers 19h, on se disperse tranquillou. Collomb, tu ne perds rien pour attendre.
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