L’unité en berne

L’unité en berne
On en a gros / Le Havre

Suite à la dernière journée de mobilisation contre la loi travail, et plus généralement, contre les agissements du gouvernement, un goût amer reste en travers de la gorge.
Cette reprise du mouvement devait ouvrir un nouveau chapitre de la lutte, jauger de la motivation des manifestants pour envisager les suites à donner. Mais force est de constater que les deux mois de pause estivale ont émaillé l’unité qui était née.

Tout d’abord, il y aura eu un « avant » et un « après » 14 juin. Notre mouvement est né dans un bouillonnement de joie, de motivation, de belles rencontres, de l’envie commune de changer la société. Mais cette joie a été sérieusement mis à mal par la manifestation du 14 juin à Paris, où les lacrymos ont plu de tout coté. Dans nos rangs, certains amis en ressortent marqués, choqués. D’autres ont ressenti l’absence de soutien des forces syndicales - dans l’action - afin d’échapper à la situation. Enfin, d’autres ont durci leur vision et envisagent des actions plus violentes.
En tout état de cause, la répression policière vécue a crée un sentiment d’injustice qui aura marqué un tournant dans notre mouvement.
Trois mois plus tard qu’en est il ?

La mobilisation de jeudi questionne. Au Havre, notre mouvement « autonome » n’a jamais été violent. Quelques actions de tags, à destination de symboles (capitalisme, état), quelques opérations de sabotage, et un soutien à toutes les actions aux côtés des syndicats depuis les premières mobilisations. Par mouvement « autonome », il ne faut pas entendre grand chose. C’est juste un mouvement pluriel, composé de personnes non-syndiquées, de personnes syndiquées, de jeunes, de vieux, qui n’ont pas, ou ne se sentent pas (plus) à leur place sous aucune bannière. Et qui ont envie, ensemble, d’amener la mobilisation à un autre niveau.
On constate encore une distanciation et une hiérarchisation de la mobilisation entre les têtes syndicales et les autonomes. Ceux qui ont un gilet, et ceux qui n’en ont pas. Sur les blocages, les remarques fusent quand une action spontanée se déroule sans qu’elle ait été validée (impulsée) par « l’intersyndicale », comme « brûler un feu de circulation », « allumer un feu devant une entreprise occupée ».

Cela creuse le paradigme entre force syndicale et force autonome. Le mouvement n’est pas censé appartenir à personne. Toute action, dès lors qu’elle a pour but de déstabiliser le gouvernement doit être soutenu par tous. Les têtes syndicales sont trop soucieuses du maintien de l’ordre, de la manifestation sans débordement. Mais si débordement il y a, si débordement il doit y avoir, ce n’est jamais gratuit. Tout acte a une valeur et s’attaque à un symbole. Il y en a assez des services de sécurité des syndicats, de mèche avec les RG et qui balancent les manifestants turbulents. Les syndicats ont, plus que jamais, besoin des forces autonomes pour que les manifestations n’aient plus la portée d’une kermesse. Et on mesure au combien ce postulat est partagé par de nombreux ouvriers syndiqués que l’on a rencontré durant ces 6 derniers mois.

Ce constat n’a pas pour but de minimiser la force d’action des syndicats, ni leur utilité. Les syndicats sont d’une efficacité importante au sein des entreprises, aux côtés des salariés, sur le plan juridique. Mais ils n’ont plus la combativité de rue du début du XXe siècle.

Quant à l’unité syndicale, elle laisse rêveur ! Mais elle semble s’étioler. Pour exemple, Force Ouvrière a annoncé que cette mobilisation serait la dernière à laquelle elle appellerait, et qu’elle déplace son combat sur un champ juridique. En lisant entre les lignes, est-ce qu’il ne faut pas mettre ça en parallèle avec l’approche des élections professionnelles au sein des PME, où le nombre de siège à conquérir efface toute l’union des mouvements de ces derniers mois ?

Du côté de notre mouvement, l’unité est aussi à interroger. La motivation des uns et des autres a fait du chemin. Beaucoup de personnes sont tombés amoureuses du mouvement, de la force des rencontres faites sur les barrages. Et puis vient l’heure de la déception, des interrogations. A quoi sert-on ? Est-ce que l’on s’est fait instrumentaliser ? Où en est l’unité lorsque des dockers veulent nous taper dessus lors de la manifestation à Paris faisant l’amalgame avec les « méchants casseurs » ? Ce qui est sûr c’est que le 14 juin pose un jalon. La motivation de certains de nos amis a baissé, générant des remarques de la part des plus radicaux. Ces mêmes radicaux se questionnant sur le fait de s’autonomiser encore plus de notre mouvement.

Il faut déplacer notre motivation sur d’autres actions. Et accepter que l’on ne se battra pas dans une direction clairement identifiée. En fait, il faut que tout soit combat. La défense du droit du travail fut ce qui nous a réuni. Puis le déni de démocratie est ce qui nous a rapproché. Et perdant la partie petit à petit, la déception prend le dessus, et la combativité nous quitte.
Mais c’est parce qu’il faut accepter se battre sans objectif précis, se battre pour tout, tout le temps. Que se soit contre le capitalisme, contre le racisme, contre le sexisme, aux côtés des migrants, des travailleurs malmenés, de tout ce qui annihile notre société, tout doit être un combat.
Et tout doit être combattu avec les forces en présence, sans jugement de valeur sur la disponibilité ou la motivation des membres de notre mouvement.
Ce sera épuisant, mais c’est la seule façon que nous avons de survivre.

ON EN A GROS

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