Une illusoire continuité pédagogique

Nous vivons une époque hors-temps, comme une pause dans la vie habituelle, qui s’impose à nous. Une pause à durée indéterminée, complètement incertaine mais après laquelle, on le sait déjà, plus rien ne sera comme avant.

Et on exige de nous – enseignants –, au nom de l’intérêt de l’élève, une « continuité pédagogique ». Une « continuité » ? Mais continuer quoi exactement ? Nos élèves ne serons plus les mêmes quand nous les aurons de nouveau en face de nous. Nous sommes à un moment de rupture. Un changement décisif dans notre rapport au monde, à la liberté, aux autres, à notre manière d’enseigner. Nos élèves ne manqueront pas de le ressentir eux aussi. Aujourd’hui, nous sommes déjà très très loin de la semaine passée. De quelle continuité nous parle-t-on, donc ?
Finalement, ne serait-il pas plus cohérent de mettre l’école en berne et de remettre le paquet dans l’enseignement après la déferlante du coronavirus ?
Aujourd’hui on exige des profs qu’ils s’adaptent dans l’urgence à de nouveaux outils qui ne touchent qu’une partie des élèves. Nous pourrions revenir travailler cet été... si on ne nous oblige plus à pratiquer cette parodie d’enseignement que l’on nous demande en ce moment.

En oblitérant toutes les conséquences de stress post-traumatique que va engendrer la situation (on compte déjà des centaines de morts par jour), ce qu’on fait aujourd’hui ce n’est que renforcer les inégalités sociales.

En oblitérant toutes les conséquences de stress post-traumatique que va engendrer la situation, ce qu'on fait aujourd'hui ce n'est que renforcer les inégalités sociales.

Par exemple dans chaque classe, bien sûr que nous avons des nouvelles d’une partie des élèves, avec qui nous assurons un suivi, mais que se passe-t-il pour tous ceux dont nous ne savons plus rien depuis une semaine, qui ne se sont pas connectés à leur Espace Numérique de Travail et n’ont pris contact ni avec les établissements, ni avec les professeurs...
On ne fait pas bien notre travail actuellement, si on pouvait le faire bien à distance, ça ferait longtemps que ça existerait, ça coûterait moins cher.
On fait semblant d’enseigner, parce que ça rassure les parents, ça rassure les élèves (... que ça touche) et ça nous rassure nous aussi... Mais ne nous voilons pas la face : on fait de la merde..
Entendons nous bien, on fait chacun le meilleur possible avec ce qu’on a et dans la situation dans laquelle on est, et avec les ordres qu’on nous donne.
On fait ce qu’on peut... Mais on le fait dans une totale hypocrisie.

On nous dit enfin que la santé prime, qu’il y a un effort collectif à fournir, mais alors, pourquoi faire croire que « l’école » peut continuer ? On nous demande maintenant de fournir des exercices au format papier aux enfants qui n’ont pas accès au numérique, au mépris de la nécessité de leur protection ? (Selon les sources, le virus peut rester entre 3 et 5 jours sur le papier) Comme prévu, cette « continuité pédagogique » qui n’a pas été pensée, est mise en place à coups de nouvelles idées en contradiction avec celles précédemment lancées.

C’est bien autre chose qu’il faut inventer pour répondre à cet inédit, et sortir des attendus institutionnels : accueillir les enfants de soignants en leur proposant des activités d’éveil assurées par des animateurs ? Faire perdurer le lien social avec les élèves et les familles sans leur imposer une classe à la maison qui met en difficulté parfois tout autant les parents que les enfants ? En tous cas, il eût été bon de ne pas se précipiter à promettre l’impossible mais de prendre le temps d’intégrer que cette situation n’est pas gérable en continuité.

Pour alimenter la réflexion, vous pouvez consulter également différents articles de blogs médiapart :
Impossible continuité pédagogique pendant le confinement
Continuité pédagogique : faire entendre des revendications du terrain.

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