Dans le milieu politique où nous évoluons, il a toujours été de bon ton de railler l’écriture inclusive : trop superficielle, trop réformatrice, assez peu révolutionnaire finalement. Comme si notre façon d’écrire, d’employer la grammaire, pouvait avoir une quelconque influence sur les comportements. Et pourtant, depuis quelques temps, elle est de plus en plus présente. Au point de connaître des tentatives d’officialisation par l’Etat.
Si d’ailleurs elle devient règle officielle, ça semble une raison de plus pour s’en méfier. Mais heureusement la vieille France est là pour empêcher ce genre de débordements. Pour l’instant, l’emploi de l’écriture inclusive à l’école ou dans les textes officiels est rejetée, avec des arguments liés à la norme linguistique française (comme on peut le voir ici.)
Et c’est là que cette BD m’a interpellée : Morgane Parisi nous rappelle que la grammaire française a évolué et que son évolution n’est pas déliée de choix politiques. Au moment de la fixation de la langue, quand il a fallu déterminer le genre des noms, de nombreuses occupations pouvaient être des deux genres : « autrice », « poétesse », « professeure ». Et les accords se faisaient par proximité : on accordait les adjectifs au nom le plus proche. Racine écrit ainsi « Les jours et les nuits sont belles. »
Mais au XVIIIe siècle, alors que la figure de l’Homme émerge dans le siècle des Lumières, les femmes sont davantage encore écrasées par cette supériorité masculine. Et la grammaire est changée. On passe d’une logique majoritaire : si l’on désigne plusieurs femmes et un homme, on utilise « elles » ; à une logique hiérarchisante où c’est le pronom « ils » que l’on utilisera à partir du moment où on compte un homme parmi des femmes.
A partir de là, même s’il ne s’agit pas de se dire que le changement d’une règle de grammaire permet un changement des comportements, on peut se dire qu’en tous cas, aucune norme de la langue française n’est figée et qu’une évolution a du sens.
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