Il n’y a pas qu’à Rouen qu’on manifestait lundi 11 mai

De Rouen à Saint-Brieuc et d’Amiens à Marseille, une multitude de rassemblements ont marqué la première journée du « déconfinement ». Les plus importants se sont tenus devant les hôpitaux, en soutien aux soignant·es, parfois eux-mêmes en grève. Leur mobilisation exemplaire contre le Covid-19 autant que le mépris jamais démenti des gouvernements à leur égard préfigurent le rôle prépondérant des personnels médicaux dans les mouvements sociaux qui éclateront tôt ou tard.

Mai 2017, des manifs « ni Macron ni Le Pen » agitent l’entre-deux tours de la présidentielle. Le Front social apparaît. Mai 2018, ça bouge dans les facs et dans les gares. De petits tas de pavés poussent sur la chaussée. Un conseiller de Macron fait le coup de poing. Mai 2019, La Pitié-Salpêtrière rime avec souricière. C’est la fête à Blanquer et les samedis se comptent encore en actes. Mai 2020, les rassemblements supérieurs à dix personnes sont prohibés. L’état d’urgence sanitaire est prorogé, mais çà et là, le printemps social fleurit.

Métro, boulot, conso. Tout ce qui est chiant doit repartir. Pour tout le reste, il y a la police nationale.

Les brigades motorisées du préfet Lallement vrombissent place de la République. Ce lundi 11 mai, les amendes pour « participation à une manifestation interdite » ne tardent pas à tomber. Des Gilets jaunes sont arrêté·es.

La même bande de cognes accusée du passage à tabac d’un ouvrier égyptien rapplique à l’Île-Saint-Denis peu de temps après. La chaîne humaine est brisée. On sait dès lors que les nasses font exception à la fameuse doctrine des gestes barrières.

Sur la Canebière, cinq militant·es d’Extinction Rébellion Marseille sur la cinquantaine mobilisée sont conduit·es en garde à vue. Qu’une faute soit reconnue ou non, leur casier comprend désormais un « rappel à la loi pour attroupement sans arme avec refus de se disperser au bout de trois sommations », dixit la procureure.

Contrairement à Nantes à Toulouse, les Rennais·es n’ont pas eu le droit d’exprimer leur défiance envers le gouvernement dans l’espace public, lundi 11 mai. Au moins 38 procès verbaux ont été dressés par la police, selon le compte rendu d’Expansive.info.

Les Toulousain·es respirent un peu mieux devant leurs hôpitaux. Plusieurs centaines de citoyen·nes rejoignent les troupes de Sud Santé et de la CGT du CHU. Glorifiées pas celleux qui les dénigraient naguère, les blouses blanches réclament leur dû et la fin des coupes franches. La cause est trop sensible pour envoyer les bleus.

Une scène similaire se déroule sur l’Île de Nantes, à ceci près que l’appel n’émane pas de syndicats. Entre 200 et 400 personnes y participent, selon Ouest-France et Nantes Révoltée. « Moment chaleureux. Certain·es improvisent un apéro. Une danse est esquissée sur la voie de tram. L’ambiance est bonne, puisque la police reste à distance », raconte l’influent média « révolutionnaire, anticapitaliste et autonome ».

Au même moment, deux-cents Nazairien·es applaudissent sur le parvis de la cité sanitaire. Le rendez-vous figurait sur l’agenda du site Baslesmasques.co, comme 25 autres à travers le pays. Localement, une suite sera donnée samedi 16 mai, à 13 h, place du Commando.

Devant l’hôpital Purpan de Toulouse, comme devant d’autres établissements publics de la ville, plusieurs centaines de citoyen·es ont rejoint les personnels syndiqués. Crédits Sud CT 31

Les consignes préfectorales sont visiblement plus sévères à Rennes, où les autorités plastronnent avec 38 verbalisations et six interpellations pour des contrôles d’identité. Le rassemblement se tient place de la République, peu avant midi, sans qu’il soit aisé de distinguer les manifestant·es des passant·es. Seuls deux groupes de postièr·es Sud PTT se détachent vraiment. Les « distances de courtoisie covidiennes » rappelées par l’organisation résistent mal au contact rapproché avec les agents.

Dans un communiqué qui s’attaque au déconfinement à visée capitaliste, les Gilets jaunes de Rennes, l’Assemblée générale de l’Hôtel Dieu et le groupe Refusons le retour à la normale évoquent de possibles actions dans un supermarché « pour filer un coup de main aux employé·es », à l’Agence régionale de santé pour « obtenir des moyens humains et financiers », dans un service de la mairie « pour l’occuper jusqu’à ce qu’un centre d’hébergement inconditionnel soit ouvert pour les plus démuni·es et les femmes victimes de violences », ou encore au rectorat, dans une plateforme logistique de colis ou chez Samsic, géant du nettoyage qui repose sur une main-d’oeuvre sous-payée.

La Bretagne cultive son image rebelle avec plusieurs rassemblements pour la « libération des plages ». La patience des habitant·es du littoral atteint ses limites dans les Côtes-d’Armor. Plusieurs collectifs, parfois soutenus par les élu·es, rassemblent jusqu’à 100 personnes à Pleumeur-Bodou, Erquy, Binic et Trévou-Tréguignec.

Une quinzaine d’habitué·es du rond-point de Kernilien, près de Guingamp (Côtes-d’Armor) ont ressorti leur chasuble fluo à l’heure de la sortie des usines. Crédits : Le Canard réfractaire

Dans certaines communes, marcher sur le sable ne sera bientot plus passible ni n’amende ni d’emprisonnement. Quand les écoles rouvrent mais pas de larges espaces ouverts, l’État risque de voir fondre le consentement à l’autorité. A moins qu’il convienne que la question n’est pas celle des distances physiques, mais de la mise sous surveillance de chaque centimètre carré. La décision revient d’ailleurs aux préfets, aux ordres du gouvernement et jamais avares en menaces. Une tutelle parisienne à même de raviver un régionalisme latent.

Dans le même département, les ronds-points voient refleurir quelques chasubles jaunes, aux entrées de Lannion, Guingamp et Saint-Brieuc.

Ailleurs en France, ce sont encore « celles et ceux qui ne sont rien » qui affrontent en premier les accusations d’irresponsabilité. A Bandol, dans le Var, au Magny, en Saône-et-Loire, à Rouen, en compagnie de la CGT, à Périgueux pour « la fin de leur monde et le début du nôtre », à Angoulême, aux côtés de militants écolos, ou encore à Amiens « pour la protection des libertés publiques », une colère longtemps contenue s’exprime au grand air, au risque d’agacer.

Un peu partout, le mouvement social reprend corps, mais à pas mesurés. La colère s’exprime timidement dehors, chez celleux qui triment sans télétravail, souvent sans masques ni protection adaptée. La longueur de la laisse s’est considérablement raccourcie. Il n’est pas dit pour autant qu’elle ne finisse par céder.

Violences policières - un premier bilan du confinement

« [Les flics] prennent un haut-parleur : "Il y a des femmes et des enfants qui veulent rentrer chez eux, dispersez-vous." Personne n’y croit, et tout le monde les moque. » Compte rendu du rassemblement contre les violences policières à l’Île-Saint-Denis sur Paris-Luttes Info et photo de Madjid Madj Messaoudene

Le confinement a été marqué par une mise sous pression accrue des quartiers populaires. Amnesty international a authentifié une quinzaine de vidéos de violences policières filmées au cours du confinement, et, au 20 avril, au moins cinq morts en lien avec une intervention policière étaient déjà déplorés, plus une liste longue comme le bras de violences diverses et variées, comme le résume cet article de Rebellyon.

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Consultez la suite de La Gazette des confiné·es #14 – Censure du web, éducation numérique et manifs empêchées.

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